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Le désir de punir Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Écrit par Administrator   
06-02-2007

C’est a posteriori qu’on justifie le châtiment. Car avant la raison, le désir.

Résultant d’une émotion violente, en général la colère, le châtiment passe pour être administré froidement. Mais au cœur de toute punition, le plaisir de tenir quelqu’un en son pouvoir, de montrer qui est le plus fort. À tort ou à raison, le punisseur, fût-il un tueur en série, a la ferme assurance d’être du bon côté, du côté de la loi, de l’ordre, du bon droit. On ne veut jamais le coupable, mais un coupable. Il n’est pas nécessaire qu’il soit l’auteur d’un forfait, une chèvre fera aussi bien l’affaire. C’est magique. Les partisans du châtiment font tous comme si, par une sorte d’heureuse fatalité, les coupables étaient punis et les justes récompensés.

Or, les erreurs judiciaires sont constantes, particulièrement en « comparution immédiate » où l’on juge en toute hâte. Mais il faut que les dégâts soient spectaculaires (têtes tombées à tort, une vie pour rien derrière les barreaux, etc.) pour qu’elles émeuvent qui que ce soit. Les criminologues et les policiers le savent pertinemment mais cela excite le monde qu’on ait arrêté le coupable (lui ou un autre), on va pouvoir le punir, ce qui signifie se venger (« vengeance : dédommagement moral de l’offensé par la punition de l’offenseur ». Définition du dictionnaire Robert).

Il faut noter cependant que le désir de vengeance n’est pas naturel, il est le fruit d’une culture fondée par exemple sur un certain code de l’honneur. Il y entre une forme de devoir, de soumission à la loi de son milieu. Toute vendetta est socialisée, codifiée, ritualisée. Depuis l’antiquité, la Justice d’État est censée remplacer les vengeances privées. Échec sur toute la ligne. Le châtiment pénal engendre un besoin de se venger qui se retourne contre des tiers. L’homme humilié bat sa femme qui frappe les gosses qui maltraitent le chien qui mord le premier venu. La peine infligée par un tribunal va jusqu’au bout d’une violence institutionnelle qui appelle forcément une réponse. Il nous faut renoncer à cette chimère d’une vengeance qui, assumée par l’État à la place des particuliers, en serait plus pure, plus désintéressée. Elle n’est guère plus reluisante ni plus intelligente que l’autre. Quand la Justice punit un voleur, elle entretient chez tous les voleurs le besoin de se venger. Quand elle s’attaque à un « sauvageon », elle ensauvage la cité.

L’idée d’une Justice qui rend le mal pour le mal ne peut mener qu’au mépris de toute justice.

Gardons cependant dans un coin de notre tête que certaines personnes ont toujours considéré l’esprit de vengeance comme leur étant étranger, elles préfèrent ignorer l’offenseur (voire l’oublier), lui pardonner ou exiger des explications. Et si par ailleurs la tentation de se venger reste commune, tout le monde n’y succombe pas forcément.

Personne n’est à l’abri de la haine ni de la bêtise, mais on peut bien quand même souhaiter n’être ni haineux ni bête, ou le moins possible. Rien ne nous oblige à adhérer à cette curiosité visqueuse des gens de bien pour les faits divers les plus sanglants.

Le public raffole des crimes, des viols et des supplices. La souffrance d’autrui flatte le sadisme qui rampe en nous. « Et puis demander que celui qui a fait le mal encoure une peine qui fasse vraiment mal autorise le plaisir, intense pour certains, de faire mal à leur tour en toute légitimité et en toute impunité. » (Anne-Marie Marchetti dans Perpétuités. Plon 2001). Il y a quelque chose de pathologique dans l’exaltation qu’éprouvent certains à châtier celui qui a commis une faute.

La volonté de punir est à l’origine de presque tous les crimes de sang non accidentels. Sombres histoires de jalousies ou de règlements de comptes. Mais le pire des assassins dans toute l’histoire de l’humanité, ne saurait rivaliser avec les professionnels de la répression. Les châtiments ordonnés par voie de justice ont dépassé en cruauté tous les crimes les plus barbares. Les juges d’aujourd’hui ne sont ni plus ni moins cruels que ceux d’il y a trois siècles en France, un siècle en Chine, par exemple. Ils envoient quelqu’un en prison pour dix ans parce que tel est le barème. Ils n’hésiteraient pas davantage à faire couper des mains, à condamner des hors-la-loi à mourir empalés, roués, brûlés vifs, écartelés, lynchés... Tout juge d’aujourd’hui applique la loi de son temps exactement comme il aurait appliqué ou appliquerait celle d’un autre code. Nous ne sommes ni meilleurs ni pires qu’à l’époque de la préhistoire. Un peu plus détraqués, peut-être. Mais il y eut, il y aura toujours des individus pour dire non.

On entend souvent « Les criminels n’ont pas eu pitié de leur victime, pourquoi devrions-nous nous mettre à leur place ? » Parce que nous ne sommes quand même pas tous des assassins, en dépit de cette idée extravagante si souvent exprimée : « Si l’on ne punissait pas les violeurs et les tueurs, tout le monde serait violeur et tueur. »

 
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