Écrit par Administrator
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09-04-2009 |
Ma fille avait 14 ans lorsqu’elle a été violée par trois individus. Elle connaissait l’un d’entre eux. La nuit où ça s’est passé, elle était « en état de choc » ; je n’ai rien éprouvé d’autre en la retrouvant que ma compassion pour elle, une cruelle compassion. Mais au matin, j’étais très en colère. A aucun moment, cependant, ne m’a effleuré l’idée de porter plainte (c’est une notion qui m’est étrangère comme par exemple serait celle d’aller chercher la police si une casserole de lait bouillant se renversait sur quelqu’un ou d’appeler un plombier si ma petite-fille attrapait la varicelle). J’étais donc en colère et infiniment triste. Ma fille et moi sommes sorties. Et soudain, affolée, elle m’a dit : « C’est lui » en voyant quelqu’un au comptoir d’un café devant lequel on passait. Je me suis arrêtée. L’homme nous a vues. Elle m’a tirée par le bras, visiblement paniquée à la pensée que je pourrais entrer dans le café. Je l’ai raccompagnée à la maison et suis ressortie. Je ne savais pas du tout ce que j’allais faire. Sans doute « un scandale », une dénonciation publique, quelque chose comme ça. De l’extérieur du bar, j’ai regardé par la vitre. L’homme était toujours là. Et d’un seul coup, j’ai été saisie d’un immense « à quoi bon ? » J’avais conscience de manquer de courage mais bien, surtout, d’imagination. Et je ne raconterais pas cet épisode chétif et misérable si je n’avais pas éprouvé en rentrant chez moi une sorte de paix. C’était bien comme ça. En réalité, il était profondément vrai que je n’avais rien à dire à cet homme-là. J’ai annoncé à ma fille à mon retour que je n’avais rien envisagé d’intelligent à faire. Elle a été rassurée. Ma colère l’avait inquiétée, sans doute. J’ai encouragé mon enfant à parler à ses amis de ce qui s’était passé, comme je le faisais avec les miens. Depuis, j’ai souvent pensé que j’avais été, cette fois-là, très bien inspirée de ne rien faire.
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Dernière mise à jour : ( 09-04-2009 )
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