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Et si on faisait ça à ton gosse ?


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Ma fille avait 14 ans lorsqu’elle a été violée par trois individus. Elle connaissait l’un d’entre eux.
La nuit où ça s’est passé, elle était « en état de choc » ; je n’ai rien éprouvé d’autre en la retrouvant que ma compassion pour elle, une cruelle compassion.
Mais au matin, j’étais très en colère. A aucun moment, cependant, ne m’a effleuré l’idée de porter plainte (c’est une notion qui m’est étrangère comme par exemple serait celle d’aller chercher la police si une casserole de lait bouillant se renversait sur quelqu’un ou d’appeler un plombier si ma petite-fille attrapait la varicelle). J’étais donc en colère et infiniment triste. Ma fille et moi sommes sorties. Et soudain, affolée, elle m’a dit : « C’est lui » en voyant quelqu’un au comptoir d’un café devant lequel on passait. Je me suis arrêtée. L’homme nous a vues. Elle m’a tirée par le bras, visiblement paniquée à la pensée que je pourrais entrer dans le café.
Je l’ai raccompagnée à la maison et suis ressortie. Je ne savais pas du tout ce que j’allais faire. Sans doute « un scandale », une dénonciation publique, quelque chose comme ça.
De l’extérieur du bar, j’ai regardé par la vitre. L’homme était toujours là. Et d’un seul coup, j’ai été saisie d’un immense « à quoi bon ? » J’avais conscience de manquer de courage mais bien, surtout, d’imagination.
Et je ne raconterais pas cet épisode chétif et misérable si je n’avais pas éprouvé en rentrant chez moi une sorte de paix. C’était bien comme ça. En réalité, il était profondément vrai que je n’avais rien à dire à cet homme-là. J’ai annoncé à ma fille à mon retour que je n’avais rien envisagé d’intelligent à faire. Elle a été rassurée. Ma colère l’avait inquiétée, sans doute. J’ai encouragé mon enfant à parler à ses amis de ce qui s’était passé, comme je le faisais avec les miens.
Depuis, j’ai souvent pensé que j’avais été, cette fois-là, très bien inspirée de ne rien faire.
 
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Parole de surveillant : « La mort, ça imprègne. Des morts, on en a eu des séries. Avec l’arrivée du sida, c’est devenu le quotidien. A un moment, dans les étages, on en a eu 50%. Certains, faut voir comment ils meurent. Il y a une période où j’ai failli me barrer. Trop de morts, trop de sacs plastique qui partent dans les bahuts des flics. »
(C. Carlier, Les surveillants au parloir, Paris, Ed. de l’Atelier/Ed. Ouvrières, 1996)
 
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La punition de l’assassin ajoute de la violence à la violence. Personnellement, seul l’amour – et sous toutes ses formes – pourrait me faire vivre.
Haïr le criminel me lierait à lui, à ce crime.
J’aurais besoin de comprendre, d’être aidée par d’autres qui accepteraient de le voir. Je pense à cette amie très chère qui a perdu son fils de vingt ans dans un accident de voiture. Aucun tiers n’était en cause. Pendant des semaines, elle est retournée sur le lieu de l’accident, ne cessant de dire : « Je veux comprendre ».
J’ai conscience – et pourquoi perdrais-je cette conscience si pareille atrocité arrivait – que la punition comme « closure », terme utilisé en anglais pour dire le fait d’ « en finir », ou « tourner la page », est une mode et que les victimes sont manipulées par des mouvements sécuritaires à visée politique.
 
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Nous avons tendance à considérer tout malheur comme une « injustice » : « je ne méritais pas ça ».
On peut trouver injuste et scandaleux qu’un enfant meurt d’un cancer, écrasé par un chauffard ou violenté par un détraqué sexuel.
Il me reste à choisir de vivre ou de mourir.
Si je veux vivre, ce sont les « valeurs » qui m’ont fait vivre jusqu’ici qui me tiendront debout, des valeurs qui concernent mon rapport au monde et non un quelconque rapport soudain et non voulu avec quelqu’un qui ne m’était rien avant le crime.
La presse est fort discrète sur les parents d’enfants tués qui refusent d’entrer dans le jeu des associations de victimes. Elles ne le font pas pour ça, mais sans doute leur désir d’apaiser les choses joue-t-il grandement en faveur de leur propre apaisement.
Ce monde où nous sommes produit de l’injustice. Ma colère est tournée contre ce système (quel qu’il soit) qui produit de la guerre, de la maladie, de la misère, de la violence.
 
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Lors d’un débat organisé à Grenoble en 200 ?, devant une assistance d’une centaine de personnes plutôt jeunes, une question préalable au débat a été posée pour être discutée par petits groupes de dix : « Si l’on tuait votre mère ou la personne que vous aimez le plus au monde, comment pensez-vous que vous réagiriez ? »
A la grande surprise des organisatrices(teurs), la moitié affirmait qu’à priori, ils ne chercheraient pas à punir ou faire tuer l’agresseur. Il y avait deux personnes qui avaient pleinement vécu cette expérience : une femme avait perdu sa mère, un autre avait eu son amant tué par un camé dans la rue.
Les réponses étaient variées, mais l’ensemble insistait sur le chagrin et sur les moyens possibles de vivre un deuil plein d’amour. Nombreuses(x) étaient celles et ceux qui parlaient de leur colère contre l’agresseur mais en espérant qu’elle ne devienne pas criminelle, que ce soit sous forme de individuelle ou confiée aux soins de l’Etat. Certains évoquaient cette vengeance comme « une tentation » mais qui les rendrait vraisemblablement plus malheureux s’ils y succombaient.
Beaucoup insistaient sur le fait que c’est au jour le jour qu’on se forge une éthique ou un comportement susceptible de faire de nous des résistants aux idéologies dominantes.
 
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Il est extrêmement difficile pour la Justice de reconnaître une erreur judiciaire. Des « accusés d’Outreau », il y en a plein les prisons françaises.
Relevons ce petit détail : en 2006, 547 personnes incarcérées, dans leur très grande majorité pour viol, ont pourtant été indemnisées, ayant fait l’objet d’accusations fausses. Une indemnisée pour combien qui ne le sont pas ?
De nombreux avocats ont déjà tiré la sonnette d’alarme : lors de divorces, trop de femmes accusent leur ex-mari de viol incestueux pour être sûres qu’il ne pourra « réclamer les enfants ».
La colère est mauvaise conseillère. On a vu des familles poursuivre de leur haine des accusés dûment innocentés par l’instruction. Ce qu’elles veulent, c’est un coupable. Peu importe qu’il soit l’auteur réel du crime. Car on entre là dans des rituels magiques.
Si l’on tuait mon enfant et que j’en devienne folle de chagrin, j’espère ne pas devenir la proie de pareils délires furieux, d’obsessions aussi destructrices.
 
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Selon le rapport 2003 de la Commission nationale de déontologie et de la sécurité publié dans la Documentation française en 2004, le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe évaluait, en 2000, à 5% les gardés à vue qui souffraient de lésions traumatiques résultant de leurs conditions de détention et d’interpellation.
Il est à noter que ceux qui s’en plaignent sont généralement les personnes considérées comme innocentes, arrêtées par erreur, etc. A noter également que les policiers connaissent parfaitement les méthodes de coups ne laissant aucune trace, et autre « interrogatoires appuyés ».
Et si on faisait subir ça à ton gosse ?
 
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« Et si on faisait ça à ton gosse ? » « Ca », c’est le viol, l’acte de barbarie, le meurtre qui a conduit untel à répondre de son acte devant la justice, avant de subir le « juste châtiment » dont nous, abolitionnistes, dénonçons le bien fondé.
Mais renversons la question : « Et si ton gosse avait commis un crime, et qu’il était poursuivi ? » Combien de mères, combien de bons pères de famille se mettraient alors, par amour – ou peut-être, aussi, par peur du scandale – à protéger leur enfant par tous les moyens, à tenter de le soustraire à la justice ? Combien, une fois leur gosse arrêté et incarcéré, lui prodigueraient les soins les plus attentifs, les plus délicats ? Et essayeraient de comprendre son geste ? Etc.
Certes, la cassure du jugement et de l’enfermement ruine bien des liens familiaux. Mais les visites au parloir sont suffisamment nombreuses pour qu’on se persuade que, souvent, lorsqu’un gosse a commis une « faute », les siens sont bien les seuls à ne pas le condamner.
 
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