Parmi toutes les institutions issues de la révolution de 1789 et des évolutions qui lui ont suivi la justice est celle qui est le plus restée ancrée à la culture de l'ancien régime. On est confronté à un besoin de laïciser la justice en général et le système pénale en particulier. Pour ce qui concerne le mot justice lui-même, j'adhère au combat de Dominique Wiel qui dénonce un hold-up sur une des vertus cardinales. Il soutient que ce hold-up est l'une des causes de la rigidité des magistrats : se sentir en charge du respect d'une vertu induit une culture de défense du sacré, d'une mission quasi divine, d'une auto-légitimation... Ce retard culturel peut également s'observer dans les rituels de la justice : les robes, la cour entre et on se lève, les excuses des prévenus aux « victimes » (l'honorable amende ?). Qui dit rite, dit mise en scène, dit que tout se décide ailleurs : le procès est-il juste un spectacle pour le peuple ? Je cite R. Badinter : « [...] le public réclame le châtiment. Et si l'institution judiciaire n'assouvissait pas le besoin de punition, cela produirait une frustration formidable, qui se porterait alors sur d'autres formes de violence. Cela dit, une fois la dramaturgie judiciaire accomplie, la substitution du traitement à la punition permet la réinsertion sans toucher au rituel. Et le tour est joué. » (Foucault - Dits et écrits II – pag. 294 – Gallimard) Quel respect pour le peuple, les victimes, les prévenus, les institutions...! Il nous faut également « a-moraliser » la justice : dans un contexte laïc la norme devrait remplacer la Loi et elle devrait avoir pour but d'assurer le bon fonctionnement de la société et non la défense d'une morale. Dans les prétoires, dans les comparutions immédiates etc. on parle trop de morale et pas assez de loi. Cet ensemble de réflexions nous amène à repenser le sens de l'infraction et le sens de la peine. Tous cela ouvre sur plus de problèmes que de solutions mais on ne peut pas se cacher derrière le fait que la concepion actuelle de la peine (un peu améliorée) simplifierait les choses pour faire l'économie de ces mises en questions.
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